ANAGRAMME

Quand j’étais une oeuvre d’art, @jpmelot2020

Graine phillipine @jpmelot2020

Hamam @jpmelot2020

L’Araignée @jpmelot2020

Suaire de Clara @jpmelot2020

Batgirl Clara @jpmelot2020

L’Obole @jpmelot2020

Suaire de Clara 2 @jpmelot2020

Carla, la grange aux loups @jpmelot2020

Dans le vif @jpmelot2020

Sein @jpmelot2020

Naissance d’Hermaphrodite @jpmelot2020

Mr Jones @jpmelot2020

 
 
 
 

Ils se sont appelés Carla et Clara. Puis, dans un moment de confusion Carol et Lorca. Ils s’appellent en définitive Carla et Clara. L’une vierge folle, l’autre vierge sage. Mais qui saura dire où se niche la folie de chacune ? Dans quel repli d’un désir je la contraindrai ?

Cet obscur objet du désir, je l’ai fait mien, à ma manière, en deux objets de plastique appelés à régner pour leur plastique. Ils sont eux puisque ce ne sont que des mannequins. Des objets interchangeables. Un peu à la façon d’Allen Jones, je les soumets à mes désirs, mes fantasmes, et pas seulement les miens quand un de leurs reins exhibe une paire de fesses aussi rutilante qu’un étendard guerrier.

Je n’ai pas voulu de modèle vivant, d’abord. Ça ne veut pas dire que je n’en voudrai pas. Mais ce sera alors pour un autre objet. Celui qui me préoccupe aujourd’hui n’est pas animé. Il ne respire pas vraiment.

Clara et Carla sont corvéables à mercie. Comme des Lego. On peut les assembler, les démanteler, leur arracher un bras comme si une résurgence d’enfance, de jeux avec les poupées de ma sœur, venait sonner le glas de leur intégrité et de leur conformité. Qualité qu’ils possèdent et qui leur fait aussi défaut.

Ils sont en adéquation avec les standards esthétiques d’une époque. Clara est très 80. Carla a la sensualité deshinibée de la libération pornographique d’aujourd’hui. Mais ils ont ce regard fixe qui ne vous regarde pas. En cela ils sont humains : ils savent jouer d’un mutisme confondant, sans objet. Sans réplique.

C’est étonnant cependant comme leur forme, sans que j’y prenne garde, a pris ma pensée en otage : ils ne sont pas restés « ils » très longtemps. Dès lors que je le ai prénommées, elles se sont incarnées. L’une en positif, l’autre en négatif, sans que le moindre jugement de valeur intervienne ici. En positif/négatif à la manière de la photographie : deux faces d’un même médium. Inversible à merci. Si je ne les avais pas nommés, ils restaient objets, neutres. Assez inutiles, puisqu’en définitive, ils devaient remplir une fonction. Je le savais en les achetant. J’ignorais comment je les appréhenderais. En tout état de cause, le glissement s’est opéré. Elles sont elles.

J’ai longtemps travaillé Clara. Et longtemps désiré Carla, à force de tripoter l’autre. L’une venait du Bon Coin et fut une source de plaisanteries lorsque je l’installais sur le siège passager de la voiture après son achat. L’autre venait d’un recoin plus obscur du net. Elle est arrivée dans un sarcophage de carton. Elle a les pieds et les mains palmés. L’essentiel est ailleurs.

Pour quel objet ces objets ? Pour une quête paradoxale, celle de leur donner chair. D’abord avec de la lingerie, dont je les revêts pas. Je la pose. Elles prennent la pause. Rien ne bouge. Il n’y a pas de chair et pourtant, c’est elle que je veux qu’elle me donne. Quelque chose d’ineffable : l’incarnation du désir et de la sensualité. L’art souvent, pas toujours, court après ça : restituer la chair des choses. Cette intemporalité gît dans les objets les moins nobles du quotidien, acteurs d’une histoire triviale.

Peut-être animé d’une dialectique hégélienne, je cherche à l’occasion à faire s’interpénétrer la personnalité de Carla et de Clara, en opérant un glissando entre la supposée folle et la consacrée sage. Deux vierges auxquelles je ne prends rien sinon leur image présupposée. Avec un appareil, de vieux objectifs, de vieux filtres qui aident à confondre les masques et pourfendre les préjugés.

Mais il va de soi que je ne peux réprimer parfois la mise en scène d’une image brutale de ces modèles (tiens ! Curieux ce mot à propos de bouts de plastique!). Elles sont faites de ça pour notre regard. Changer leur destination n’est pas une gageure, c’est poser sur deux artefacts créés de main d’homme un regard qui interroge la forme et le fond. Et laisse chacun s’exprimer ou s’emploie à restreindre son champ d’action.

Clara, Carla, Carol, Lorca, la confusion des anagrammes dit l’interchangeabilité des genres. Elle insinue aussi la porosité des frontières entre le caractère supposé de chacune.

La plus sage a hérité de la vision classique et néoclassique de la femme. Dénuée d’armes séductrices, elle n’a pas non plus la volupté de son anagramme. Ses formes contenues n’ont pas la volubilité de celle Carla qui excède outrageusement la sensualité. Celle-ci a pourtant aussi sa place dans notre imaginaire, dans l’enfer des bibliothèques, dans les livres vendus sous le manteau, dans le fantasme d’un succube prenant apparence humaine.

L’une l’autre nourrissent l’imaginaire de l’homme, comme deux objets d’un désir bicéphale.

J. -P. Mélot, 2020

Carré noir sur fond blanc @jpmelot2020

Bretelle d’accès @jpmelot2020

Aparté @jpmelot2020

Les Silos @jpmelot2020

Léda et le cygne abscons @jpmelot2020

Le Tourne-vice @jpmelot2020

Le Métronome @jpmelot2020

Le Bénitier @jpmelot2020

La Naïade cul de jatte @jpmelot2020

La Mante @jpmelot2020

La Brouette espagnole @jpmelot2020

L’Ectoplasme @jpmelot2020

L’Âge d’airin @jpmelot2020

L’Accolade @jpmelot2020

Croix de Saint-André @jpmelot2020